Activer l'île d'Europa ne serait pas une chose facile. Dès le départ de l'idée, il apparaissait que beaucoup de difficultés seraient à surmonter pour réaliser cette expédition. En 1999, Didier F5OGL et Rafik F5CQ commençaient les démarches. Après un échec, ils se remettaient au travail et finalement obtenaient un accord de principe en septembre 2003.
Il faut savoir que l'île d'Europa est une réserve naturelle depuis 30 ans, son accès est très limité et actuellement seuls les militaires qui assurent la mission de souveraineté sont autorisés permanents. Par ailleurs, les techniciens de Météo France peuvent s'y rendre pour des opérations de maintenance sur leurs installations et occasionnellement des scientifiques y séjournent. De 1950 à 2000 les techniciens Météo assuraient une présence permanente. Ce qui permettait parfois de trouver des stations FR7/E, FR5/E ou FRØ/E sur les bandes. L'automatisation des stations météo a contribué à supprimer cette présence, c'est pourquoi les activités radioamateurs y sont devenues plus rares (voir les QSL sur le site LNDX http://LesNouvellesDX.free.fr/
DanyF5CW
Eric FJKK
Le 15 novembre, l'équipe complète se retrouve à l'aéroport de Paris-Orly. De nombreux OM du radio-club F6KOP sont là pour nous souhaiter bonne chance et ils nous offrent des casquettes avec l'indicatif TO4E. C'est l'occasion de faire une photo pour notre site Internet tenu par Rafik F5CQ. Nous faisons enregistrer nos 35 kg de bagages supplémentaires, essentiellement les antennes Titanex reconditionnées en colis de 2m de long. Puis nos très gros bagages qui contiennent des équipements complémentaires, deux transceivers, trois PC, les filtres de bandes fournis par Flo F5CWU qui à fait le déplacement spécialement pour nous les prêter ! Merci Flo, faire 400 km entre 22h00 et 2h00 pour nous dépanner, c'est un geste digne du plus bel esprit OM.
Jean-Louis F5NHJ
A notre arrivée à l'aéroport de St Denis Gillot, Alain Gillard (2ème RPIMa) nous attend avec un bus pour rejoindre notre site d'hébergement avant l'embarquement. Un grand merci à Eric F5JKK qui a géré toute la logistique sur La Réunion, ainsi qu'à la CQG à la caserne Lambert et en particulier au capitaine Burban pour son efficacité et son aide. Nous n'avons pas pu rencontrer Jacques FR5ZU, très occupé à cette période mais Yvon FR1GZ est venu nous apporter une antenne 9 éléments VHF pour faire quelques tentatives en MS avec les ZS. Merci Yvon.
Pascal F5PTM
Freddy F5IRO
L'arrivée avec le bâtiment de la Marine Nationale
Le 24, branle-bas très tôt pour voir les côtes d'Europa au soleil levant... Vision féerique avec une mer particulièrement calme. Habituellement le bateau s'y reprend à deux ou trois fois pour parvenir à s'ancrer. Les fonds sont extrêmement pentus, entre l'avant et l'arrière du bateau il y a plus de 200 m d'écart en profondeur. Cette fois, ça accroche du premier coup ! Cela nous fait gagner au moins une heure, et compte tenu que le débarquement ne peut se faire qu'à marée haute, une heure c'est important. Le créneau du matin est très court car la marée commence à redescendre. Aussi, nous avions demandé à faire débarquer un élément précurseur (F5CW et F5JKK) pour prendre contact avec le chef de détachement et pour faire une reconnaissance des lieux. Cela nous ferait gagner du temps sur la deuxième phase. A 7h, Eric saute du zodiac et mouille ses chaussettes ! Puis ils posent le pied sur Europa. Le premier QSO est fait entre TO4E et Freddy F5IRO/MM en VHF - FM afin de conserver un contact avec le bord et avoir des informations sur la suite des opérations. Nous prenons contact avec le responsable du détachement qui est bien informé de notre arrivée. Puis nous faisons une reconnaissance des lieux pour déterminer où acheminer nos équipements.
gros plan sur une partie des antennes et de la station météo, lieu des stations
Dans le bâtiment de Météo-France, il y a une station HF avec une antenne losange dirigée vers La Réunion. 400 m plus au Sud, dans les locaux du détachement militaire, il y a aussi une station HF avec une W3HH. Après avoir étudié les diverses utilisations de ces stations, nous savons que la meilleure place sera dans les locaux de la météo car les vacations sont rares et les fréquences utilisées ne devraient pas poser de problèmes réciproques. Pour notre part, les filtres nous protègent bien. Les locaux sont grands, il sera facile d'y implanter trois stations. Surtout, nous sommes à moins de 100 m de la mer, et la place pour les antennes verticales bandes basses ne manque pas. Lors de notre visite à la station militaire, nous sollicitons de faire des essais en CW et en SSB avec l'équipement professionnel. Un premier QSO est réalisé avec F5TEJ en CW sur 28 MHz à 08h40 GMT puis viennent 12 autres QSO en CW - oui c'est peu, mais ni Eric ni Dany n'avait apporté leur PC et le keyer était une bonne vieille pioche ! - puis 24 QSO en SSB. Nous stoppons assez rapidement après avoir passé l'information à notre station pilote en France via F5CWU, car le pile-up monte et l'équipement n'est pas adapté pour gérer un trafic en split. De plus, les opérateurs professionnels, surpris de nos contacts, semblent inquiets et nous ne voulons pas profiter de la situation... L'émission d'amateur est trop peu connue hélas, et nos performances semblent intriguer.
la V160
Vers 13 heures, la marée étant à nouveau favorable, les opérations de débarquement reprennent. Une grosse quantité d'eau est livrée en vrac mais aussi en bouteille, 28 fûts de carburants, et des vivres. Trois scientifiques, embarqués à Mayotte, sont débarqués. Ils doivent capturer six tortues marines pour les équiper de balises et étudier leurs déplacements après les avoir relâchées près de Juan de Nova et Madagascar. Le restant de notre équipe surveille le transfert de nos équipements... si les colis tombent à l'eau, l'expédition est compromise. Soulagement, les 300 kg arrivent sur la plage, sont entreposés au soleil puis transportés à la main vers nos locaux... ce qui fait faire 200 m dans le sable sous une chaleur écrasante... Il nous faudra quatre allers-retours chacun pour acheminer tous les colis. Pascal F5PTM en sera quitte pour un beau coup de soleil. Rapidement nous préparons une table pour la première station et les antennes commencent à sortir des cartons. En fin de journée nous pouvons faire les premiers QSO, 16h08 GMT F5OGL sera le premier contacté sur les équipements de TO4E. Mais, l'équipe est épuisée et l'énergie est stoppée à 20H17. Heureusement, à ce moment là il n'y a que très peu de moustiques mais la chaleur moite de la nuit ne nous offre qu'un repos relatif.
tortue verte équipée d'une balise par l'équipe de l'IFREMER
Le chef de détachement contrôle le carburant débarqué. Hélas, aucune trace des trois fûts commandés. Consternation. Nous lançons une recherche, mais loin de tout, pas facile de comprendre ce qui s'est passé. Les horaires sont donc réduits à un total de 8h30 d'énergie par jour. Toutefois, nous insistons pour disposer de 48 heures afin de participer au CQ WW CW avec TO4WW. Cette participation est un argument majeur qui nous a permis d'obtenir les autorisations.
colonie de sternes
Les 26 et 27 nous poursuivons l'installation et les essais d'antennes. La V40 puis la V80E sont montées au plus près de l'eau . Le soir du 27 les tests sur les bandes basses avec la V80E sont bons mais en réception le QRN est épouvantable. Il faut donc monter les antennes de réception. Une pennant est tendue entre les arbres et un dipôle 80m est installé à seulement 5 m du sol. Le QRN est plus faible sur le dipôle horizontal mais le niveau reste anormalement fort. Sur la pennant, le QRN reste au-dessus de S5-S6. Nul doute que des orages tropicaux doivent être actifs dans notre région. Cela rend le trafic très difficile sur 80 et 160 m. Plus tard, une boucle coaxiale fabriquée sur place n'a donné que des résultats médiocres.
une frégate mâle
Le 29, (02h55 locales) cinq minutes avant le début de contest, le groupe refuse de démarrer. Le temps de comprendre et de basculer sur le deuxième nous fait perdre quinze minutes. Nous serons réellement actifs pendant 46 heures à cause de deux coupures d'énergie, probablement dues à des infiltrations de pluie dans l'installation électrique. Dans la nuit du 29 au 30, à 00h16 GMT, alors que la station est sur 40m, le ROS de la V80 devient brutalement anormal... L'opérateur hurle pour demander de l'assistance ! Deux zombis, sortis de leur torpeur et équipés de leur lampe frontale, se précipitent dehors pour analyser la situation. Ils découvrent qu'une tortue a décidé de pondre au pied de la verticale. En creusant, elle a arraché quelques radians et déréglé la boite de couplage. Encore une perte de temps... Mais les tortues sont chez elles ! Alors nous décidons, pour les jours futurs, qu'il faudra rouler les fils des radians après chaque fin de trafic et les dérouler le lendemain matin. Soit 6 radians de 40 m et 10 radians de 20m pour la V80.
les chèvres d'Europa
Le 1er décembre nous retrouvons nos horaires limités. Si les stations qui nous attendent sont frustrées, dans leur fauteuil de velours, elles doivent imaginer ce que cela représente pour nous. Attendre des heures, à s'occuper au mieux, ici il n'y a pas de "pub", pas de télévision (pas d'énergie), pas de shopping, il fait très très chaud, dans l'eau il y a des requins, etc... C'est bien plus qu'une frustration. Le soir, à l'heure du repas, il y a de l'énergie. Aussi, un opérateur récupère les repas auprès du détachement et nous dînons lorsque l'énergie est coupée vers 22h45 locales, à la lumière de nos lampes et d'une bougie. De plus, Pascal est malade, une otite du coté droit le fait souffrir.
panneau emblématique de l'ile
Nous parvenons à trouver une batterie en état de marche. En la rechargeant sur le groupe pendant 5 heures, nous pourrons avoir une station à des horaires différents et ainsi offrir quelques QSO supplémentaires avec encore des doubles car nous étions alors sur log papier. Cela nous oblige à réduire la puissance à 20 ou 30 Watts, parfois moins. Pascal est descendu jusqu'à moins de 1 Watt le 15 décembre. Mais aussi sur 80 m le 12 décembre juste avant le lever de soleil, Dany est présent en CW afin de faire quelques stations nord-américaines. La puissance est limitée à 70 Watts. Heureusement la V80 fonctionne bien et les signaux sont exploitables. Une apparition dans un créneau horaire non prévu provoque souvent des réactions et plusieurs stations nous ont qualifiés de pirate.
10 décembre. Nous apprenons que l'avion tactique qui doit venir nous chercher est retardé de deux jours. Il nous faut faire modifier nos billets d'avion vers Paris. Jack FR5ZU sera d'une efficacité exemplaire. Nos billets sont déplacés du 18 au 21 décembre.
Le 12 décembre, Dany prend contact avec les autorités militaires responsables du détachement. Aucun élément nouveau concernant l'énergie. Le commandant en second du 2° RPIMa devait nous rappeler pour nous donner des précisions. Mais la propagation semble avoir été trop mauvaise. Le manque d'énergie provoque la décongélation des aliments surgelés. La chambre froide est en panne depuis le 18 novembre et beaucoup de produits frais ont été périmés. Les premières restrictions de nourriture sont appliquées. Mais nous survivrons. Il y a quelques cocotiers sur Europa, du poisson à profusion et quelques chèvres sauvages. Le boulanger fait des merveilles avec peu de moyen, jusqu'au bout nous aurons notre ration de pain quotidien.
Le 14 décembre. Nous décidons de démonter la beam. En effet, une dépression tropicale sévère, qui circule dans le canal de Mozambique depuis dix jours, se rapproche d'Europa. Le 15 décembre nous démontons la V80 et la beam 50 MHz. Le 16, nous poursuivons le démontage et nous commençons le remballage des équipements. L'arrivée de la dépression devenue un cyclone baptisé CELA nous inquiète. S'il poursuit sa route, aucun avion ne pourra venir avant plusieurs jours à cause des vents et de l'état de la piste d'atterrissage. Dans la nuit le vent forcit et les pluies sont violentes. CELA est sur nous et des rafales à plus de 120 km/h sont enregistrées. Puis les capteurs météo cessent de fonctionner. L'œil du cyclone arrive vers 12h, grand calme, sans vent, le soleil revient, la chaleur torride envahie l'air. Des milliers de libellules ont été poussées des marais du sud de l'île. Nous préparons la renverse. En effet, dans peu de temps le vent va revenir mais cette fois dans l'autre sens. Il faut donc modifier la configuration des protections disposées sur les portes et les fenêtres.
Vers 14h, c'est l'enfer au paradis ! Le vent vient maintenant de l'océan et la végétation de l'île ne nous protège plus. Les observations montrent des rafales à 130 - 140 km/h, l'eau et le sable entrent par tous les joints de portes, de fenêtres, par tous les interstices. Il faut mettre tous les cartons en hauteur et garder le contrôle de la situation. Le lendemain, du sable sera retrouvé collé à deux mètres de haut sous les gouttières. Cette fois, le vent violent parvient à arracher la toiture de la salle à manger et des cuisines. Les personnels du détachement trouvent refuge dans un petit bâtiment et nous préviennent. Pour le moment il est impossible de circuler dehors. Des pierres tapent dans les portes et beaucoup de branches arrachées peuvent devenir des projectiles dangereux. La V40, seule antenne laissée en place, est très résistante. Elle est montée sans haubans et elle se courbe fortement sous les bourrasques. Le soir du 17 décembre, les personnels du détachement militaire nous rejoignent dans le bâtiment Météo. Nous organisons les lieux pour héberger 12 personnes supplémentaires. Seuls le chef de détachement et le chef radio resteront dans leur local qui est intact. Il faut aussi réorganiser des cuisines et improviser une salle à manger. Heureusement que la station principale avait été complètement emballée, cela libérait un peu de place.
Le 18, Nous démontons la dernière antenne et nous terminons les emballages. En fin de journée nous apprenons que notre retour est encore retardé. En effet, les avions n'aiment pas circuler dans les zones cycloniques actives. Le message annonce "peut-être" dimanche 21 décembre... Une fois de plus nous devons faire décaler nos billets vers Paris. Dany demande qu'ils soient prévus pour le 23 décembre. Une marge qui permet de supporter un éventuel retard supplémentaire.
19 décembre, Pascal suggère de remettre une station en service. C'est une bonne idée car nous tournons en rond et la tension monte. Dany donne le feu vert, on ressort le FT-1000 et la verticale multibandes. Vers 15h20 GMT la station peut redémarrer. Une fois encore, les stations qui n'ont pas eu l'information ont cru à un pirate. Le 20 décembre, il faut faire tourner les congélateurs pendant plusieurs heures avant l'arrivée de l'avion. Cela nous permet d'avoir de l'énergie de 1115 à 1950 GMT, donc d'être une dernière fois sur l'air et de faire 1200 QSO de plus.
image satellite du cyclone
Le matin du dimanche 21, l'avion est confirmé, nous démontons la dernière station, nous refaisons les emballages. Le fret est prêt à 08h30 et nous l'emportons en bord de piste. L'avion se pose comme prévu (Ph.22). La relève du détachement en descend avec beaucoup de fret. L'équipage nous signale qu'ils comptent repartir vite, ils prennent leurs repas sur place, à l'ombre de l'avion et, puisqu'ils ont 12 repas pour 5, ils nous invitent à partager. C'est une délectation. Cela fait plus de 15 jours que nous n'avons pas pris un repas complet avec des produits frais, du fromage, des fruits, des yaourts... Nous glisserons le surplus dans les poches du gendarme qui nous a supportés pendant tout notre séjour. Un grand merci à Eric Leperre pour sa gentillesse. Il était impatient de repartir... L'équipe de radioamateurs sera seule à bord pour le retour. Car le détachement qui quitte l'île ne partira que le lendemain, le 22 décembre en principe. En fait, nous avons détérioré une hélice lors du décollage d'Europa et l'avion est resté indisponible pendant une journée. Nous verrons le C160 Transall se poser à l'aéroport de St Denis Gillot juste avant notre départ pour Paris le 23 décembre... Notre fret restera bloqué sous douane en raison de la période de fêtes de Noël et du nouvel an. Les bureaux sont fermés, impossible de faire les démarches avant le 5 janvier.
les mesures pendant le cyclone
le retour
Le film réalisé par Dany F5CW
Quelques enregistrements ici : https://ph-martin.pagesperso-orange.fr/f6eti/to4e/to4e.htm
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